Renouveler d’urgence le dialogue social dans l’entreprise

Les tensions sociales fortes qui animent l’actualité sociale pourraient conduire à un sentiment de confusion tant les concepts sont nombreux et complexes : la confiance dans les représentants élus, la légalité des décideurs, les conditions de la légitimité, la représentativité, la manière d’exprimer les désaccords, les accords majoritaires qu’il faudrait soumettre aux minorités engagées, la hiérarchie des normes, les décideurs des villes éloignés des terrains des opérations…etc.
Comment gouverner ? Comment diriger ? Comment représenter ? Plus concrètement sur le terrain comment piloter les relations sociales ?
La politique de relations sociales d’une organisation a pour objectif de satisfaire des besoins essentiels des personnes, ce qui change la nature de leur lien à l’organisation et améliore le climat social ; le dialogue social peut alors se développer au sein de l’organisation et assurer la performance qui réunit durablement ses finalités de pérennité et de bonheur de son corps social.
Les définitions des termes de cette phrase nous semblent fécondes, au risque de paraitre un peu scolaire, car s’accorder sur ce dont on parle est souvent un bon point de départ pour avancer vers un accord.
Le corpus sociodynamique, associé à une compétence technique du terrain des relations sociales, donne ensuite des moyens pour comprendre la réalité sociale et agir pour optimiser le rendement des énergies engagées.
Relations sociales
Les relations sociales sont l’ensemble des rapports humains existant entre les membres d’une organisation, qu’ils se situent dans le cadre d’activités professionnelles ou extra-professionnelles.
Il s’agit des rapports entre pairs, entre les employés et leurs managers ou des relations entre les partenaires sociaux. La qualité de ces rapports détermine la satisfaction retirée de l’activité professionnelle et influence la nature de la relation des employés avec l’organisation.
Cette relation avec l’organisation s’observe dans le climat social et donne envie, ou non, de s’impliquer activement dans la réussite de l’organisation. On parle alors d’engagement.
Le travail sur les relations sociales est donc d’abord un travail sur la qualité du lien social, à tous les niveaux et sous toutes ses formes.
Dialogue social
Au sens de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), « le dialogue social inclut toutes formes de négociation, de consultation ou simplement d'échange d'informations entre représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs sur des questions d'intérêt commun liées à la politique économique et sociale. »
Il met donc en relations trois types d’acteurs : les représentants de l’employeur, des salariés et des autorités publiques. Le dialogue social est donc partie intégrante des « relations sociales ».
Il est directement influencé par la qualité du climat social résultant des pratiques relationnelles courantes de l’organisation.
Climat social
Le climat social reflète le degré de satisfaction qui règne dans l'organisation.
Il est influencé par des facteurs internes (qualité des rapports interpersonnels, perspectives de développement personnel, conditions de travail…) et des facteurs externes (situation économique, marché de l’emploi, évolution du pouvoir d’achat…). Le climat social est d’autant plus sensible aux dégradations des facteurs externes que les facteurs internes sont mal maîtrisés.
L’évolution du climat social s’apprécie par exemple en suivant l’évolution de l’absentéisme, du turnover, des mouvements sociaux, des actes d’indiscipline et du taux d’engagement des employés.
Liens entre relations sociales, climat social et dialogue social
La qualité du climat social dépend de l’aptitude des managers, de tous les niveaux, à créer et maintenir un environnement propice à des relations sociales suscitant l’épanouissement des personnes.
Cet épanouissement repose sur la satisfaction de besoins personnels comme par exemple :
- besoin de sécurité : niveau de rémunération et système de protection sociale de la famille
- besoin de reconnaissance : être considéré comme une personne et pouvoir bénéficier d’une progression de carrière
- besoin d’égalité : savoir qu’à expertise égale, on est également traité, par exemple en matière de consultation, des groupes de travail, délégation…
- besoin de lien social : permettre des échanges réguliers entre les employés tant sur leur activité professionnelle que sur leur existence personnelle pour éviter le sentiment d’isolement
- besoin de développement personnel : apprendre, élargir son horizon et développer ses capacités
- besoin d’ordre et de liberté : au sein des procédures qui organisent l’efficacité collective, préserver des marges d’autonomie sollicitant l’intelligence, l’expérience, le savoir et les savoir-faire au profit de l’équipe de travail
- besoin de responsabilités : être associé à l’accomplissement de la mission de l’équipe de travail, s’approprier les objectifs et pouvoir agir : résoudre des problèmes, prendre des décisions
- besoin de vérité : savoir comment on est apprécié, les perspectives envisagées pour vous, pour votre entité de travail, la stratégie de l’entreprise… grand enjeu de la communication managériale !
Lorsque les besoins fondamentaux sont pris en compte, de manière continue et durable, s’établit avec l’organisation une relation faite de confiance, d’attachement et d’engagement. Dès lors, le climat social se bonifie et le dialogue social se développe pour rechercher des améliorations dans une perspective de coopération dynamique et de responsabilité partagée, en évitant les crises sociales.
Crise sociale
La crise sociale est une situation dans laquelle des oppositions entre acteurs des relations sociales interdisent tout retour à un fonctionnement normal. Ces oppositions se manifestent dans une gradation depuis les « crises latentes » jusqu’aux « crises ouvertes » : inertie, grève du zèle, harcèlement procédural, recours répété à des expertises externes, jusqu’au conflit collectif débouchant sur des arrêts de travail, voire des agitations parfois violentes.
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En situation de crise ouverte, il importe de trouver une sortie honorable pour toutes les parties prenantes en évitant d’infliger des blessures graves qui cristalliseraient les divergences et fermeraient aux acteurs tout espoir d’un retour d’expérience constructif.
Ensuite, dans un processus nécessairement plus lent qui impose de s’y ateler sans délai, il convient de tirer les enseignements de la crise et de construire les fondements d’un dialogue social qui répare le tissus social avant qu’il ne se déchire profondément et durablement.
Les entreprises sont des organisations de terrain installées dans notre quotidien, elles constituent ainsi une « base avancée » pour engager d’urgence ce travail de prévention avant qu’il ne soit trop tard.
Gilles Grange - Directeur Associé colibri et délégué général de l’Institut de la Sociodynamique.